L’autisme de ma fille, c’est surtout (beaucoup) ce que vous ne voyez pas

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Bien qu’un enfant atteint d’un trouble du spectre de l’autisme semble normal à première vue, les gens ignorent souvent ce que les parents vivent au quotidien. Ce témoignage d’un parent d’une jeune autiste en est certes la preuve.

Au cours des dernières semaines, j’ai lu beaucoup de billets de blogue et d’autres textes personnels parlant d’autisme et des difficultés reliées au temps des Fêtes (les rencontres familiales, les partys, les lumières et autres foules bruyantes). Dans notre famille, nous sortons déjà peu. Peu de soirées festives et peu d’activités grouillantes. Je crois que ces sorties se sont éliminées d’elles-mêmes avec le temps. Comme on le dit souvent, les familles d’enfants ayant des besoins particuliers en viennent parfois à s’isoler, sans s’en rendre vraiment compte.

Pour notre famille, l’autisme, c’est surtout ce que les autres ne voient pas. La plupart du temps, en public et à l’école, ma fille de neuf ans semble tout à fait comme les autres. Belle, souriante, drôle. Une des difficultés que nous avons, c’est de la sortir de la maison. Mais, une fois que c’est fait, ça se passe plutôt bien. Depuis peu, en fait. Depuis que nous la connaissons parfaitement et que nous avons accepté d’arrêter de vouloir faire comme les autres familles (aller au spectacle de magie ou aux feux d’artifice, c’est non!). En évitant ce qui lui sera insupportable ou ce qui risque de la désorganiser, nos sorties se passent mieux. Au pire, notre plan B est connu de toute la famille : ne pas insister et quitter l’endroit anxiogène afin d’éviter d’empirer les choses. Donc, éviter ou quitter pour mieux gérer les comportements, ce qui passe maintenant inaperçu aux yeux des autres.

Le trouble du spectre autistique de notre fille vient aussi avec une grande rigidité et beaucoup d’anxiété. Même si nous souhaitons faire une activité qui pourrait nous faire du bien, mais qui sort du cadre connu ou de notre demeure, nous allons essuyer un refus. Jamais de «Yé!» ici. Une crise de colère ou de larmes viendra exprimer son opposition. Puis, après quelques heures, parfois même le lendemain (oui, nous devons donc planifier soigneusement notre envie de sortir, exit les surprises!), l’intensité de son opposition s’amenuise et nous pouvons oser une deuxième tentative. Parfois, l’ouverture est là, alors nous serons créatifs et userons de stratégies. Nous achetons la paix aussi, parfois, avec la promesse de lui acheter du pop-corn ou de la gomme (oui, «c’est mal», je sais!).

Son autisme, c’est aussi être incapable de gérer toutes sortes d’imprévus. C’est se frustrer quand ça arrive, c’est s’isoler ou pleurer quand quelqu’un vient nous visiter sans s’annoncer, c’est devenir mutique quand on croise une amie à l’improviste, c’est ne pas savoir comment réagir quand on n’a pas pu y penser avant. C’est crier, car elle est incapable de se calmer autrement. C’est se sentir nulle et méchante quand on a dit des gros mots à sa maman que l’on aime tant, alors qu’on ne savait juste pas comment stopper la rivière de colère en soi.

Chaque personne a des défis à surmonter dans sa vie. Chaque expérience nous permet d’apprendre. Avec l’autisme de ma fille, j’ai appris que la différence provoque et dérange beaucoup les gens «normaux». Tant de personnes jugent ce qu’ils ne connaissent pas, que ce soit des traits particuliers ou des comportements «bizarres», des demandes qu’ils perçoivent comme des caprices ou tout simplement ce qu’ils croient être une enfant «mal élevée». Ou une mère trop permissive, trop «poule», trop anxieuse. Ou un père qui travaille trop. Des parents incompétents, quoi! «On ne permettrait pas ça, nous!», se disent-ils, l’ego gonflé, fiers. «Je la remettrais à sa place, moi», confiants de détenir LA solution.

Les jugements, les mots lancés sans réfléchir, les commentaires, même ceux qui ont l’air bien inoffensifs ou qui sont dits en riant… Il faut tout encaisser ça et, le pire… se convaincre que, malgré tout, nous sommes de bons parents! Je pense que c’est le bout le plus difficile. Tous les parents se posent des questions : on ne veut pas se tromper!

Quand ton enfant ressemble à la majorité des autres enfants, ce doit être rassurant. Réconfortant. Tu te dis que tu fais «une pas pire job», puis tu continues ta petite vie. Quand ton enfant (et même parfois tes enfants, comme moi) ont des comportements atypiques et des besoins particuliers, c’est un peu plus dur de savoir si tu es «pas pire» ou si c’est pas que tu es tout simplement «à côté de la track». Alors, quand, en plus, des amis (!), des membres de ta famille (!!) ou même des professionnels (!!!) te passent des remarques, te jugent ou te renient à cause de ton enfant… Wow, faut être sacrément forte ou fort pour continuer de croire que tu es une bonne mère ou un bon père!

Les troubles du spectre de l’autisme (TSA), ce sont tellement de choses, tellement de petits et de gros irritants dans la vie de notre enfant et de notre famille. C’est particulièrement éreintant et demandant, mais c’est NOTRE enfant et nous l’aimons. Je ne connais pas beaucoup de parents qui accepteraient que leur enfant soit dénigré ou qu’on s’en prenne à son intégrité physique ou psychologique. Pourtant, c’est le lot de bien des enfants autistes lorsqu’on les juge ou lorsqu’on les prive des ressources auxquelles ils ont droit.

C’est tellement plus facile de croire que ce diagnostic n’est que fabulation, qu’une invention de parents en manque d’attention. Parce que, après tout, «ça ne paraît tellement pas!!!».

Biographie

Maman

Karine Giasson est mère de deux fillettes. Elle a étudié et travaillé comme journaliste jusqu’en 2001. Elle a ensuite travaillé en relations de presse et au sein de différents organismes communautaires. Maman à la maison depuis 2012, elle se consacre à temps plein à sa famille tout en s’intéressant à tout ce qui touche de près ou de loin au développement des enfants ayant des besoins particuliers. Sa fille de 9 ans a reçu un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) à l’automne 2016 après un long parcours, incluant même un retrait scolaire, et sa fille de 7 ans, atteinte de troubles anxieux, est actuellement en processus de diagnostic pour le TSA.

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