Partage des tâches familiales: 3 papas immigrants témoignent
- Par
- Olmaille Pierre-Louis, adjointe aux communications et maman
Les tâches ménagères c’est l’affaire des femmes, les hommes n’ont rien à voir là-dedans. Avez-vous déjà entendu quelqu’un répéter cette phrase? Ayant vécu en Haïti, je l'ai entendu à maintes reprises. La femme à tout faire au foyer est un phénomène qui existe encore dans beaucoup de pays. Trois papas originaires respectivement de la Martinique, du Bénin et d'Haïti, nous partagent leur perception du partage des responsabilités à la maison.
* Version en créole disponible ici.
Lorsque j’étais une toute jeune enfant en Haïti, j’ai toujours observé la manière dont mes parents organisaient leurs journées. Mon papa et ma maman étaient des commerçants qui devaient tous les deux se réveiller tôt le matin pour se rendre à Port-au-Prince pour aller vendre leurs marchandises. À cette époque, on vivait à Carrefour, une petite localité non loin de la capitale. Leur quotidien ressemblait à celui des marchands qui vendent leur commerce dans les Marchés aux Puces.
Ce qui était étonnant c’est que malgré le fait qu’ils devaient tous deux quitter la maison à la même heure, ma maman devait se réveiller un peu plus tôt que mon père, vers 4 heures du matin pour pouvoir préparer le petit déjeuner.
C’était tout à fait normal que la femme prépare à manger, fasse le ménage et s’occupe des enfants. La petite fille que j’étais alors rêvait un jour de pouvoir être comme ma mère quand je deviendrais grande. À ce moment, je ne pouvais pas imaginer qu’un jour le monde évoluerait.
Un nouveau regard!
Certes, l’évolution du modèle parental a fait augmenter le niveau d’implication des pères dans la vie de la famille au fil des dernières années. Un phénomène qui est beaucoup plus prononcé en occident où on assiste de plus en plus à une indistinction1 des rôles masculins et féminins. Par ailleurs, ceci n’empêche pas que dans des pays en voie de développement, les pratiques restent les mêmes au sein de la majorité des familles. Des papas issus de l’immigration qui eux avaient vécu dans ces cultures se retrouvent face à un choc culturel en arrivant au Québec. En effet, ils doivent conjuguer avec les valeurs de la société d’accueil.
Dans certains pays, dont le continent africain ou en Haïti, l’implication des hommes au sein de la famille n’est pas encore égalitaire. En réalité, la maman est entourée de gens qui peuvent lui prêter main-forte dans la réalisation de certaines tâches ménagères. Ce qui fait que les pères jouent essentiellement le rôle de pourvoyeur au sein du foyer.
Aubin, originaire du Bénin, Gérald, de la Martinique et Jean-Rémy, d’Haïti, trouvent que c’est une bonne chose de pouvoir s’impliquer dans la vie familiale. Il serait juste d’affirmer qu’ils n’étaient pas des hommes à tout faire quand ils étaient dans leur pays d’origine, mais ils n’ont pas tardé à s’adapter à leur nouvelle réalité au Québec.
La collaboration: la clé pour une vie de couple harmonieuse
Aubin, papa de 3 enfants, se sent joyeux de pouvoir s’adonner aux activités ménagères. Quelque chose qu’il ne faisait pas quand il était dans son pays. «Au Québec on trouve que c’est normal d’aider sa femme à réaliser certaines activités. On le fait avec joie et amour parce que cela améliore la relation dans le couple et ça crée une certaine complicité.»
Gérald, papa de 5 enfants en famille recomposée, voit le fait de participer aux tâches ménagères comme une opportunité de laisser à son épouse du temps pour pouvoir s’occuper d’elle-même: «Depuis mon arrivée au Canada, ça ne me dérange pas de passer le balai, de mettre le linge dans la laveuse, de faire à manger. Au contraire ça me fait plaisir de libérer ma femme. Il n’y a rien de compliqué dans une maison. Tout n’est qu’une question de volonté.»
Jean-Rémy, papa de 4 enfants, nous raconte: «Au sein de notre famille, les responsabilités se partagent. Je n’ai jamais eu de problème à m’impliquer, car quand j’étais en Haïti ma mère m’avait appris à faire certaines choses. Je ne suis pas un expert, mais je peux me débrouiller. S’il y a un plat que je n’arrive pas à cuisiner, je demande des explications à ma mère. Généralement c’est moi qui m’occupe du souper chez nous.»
Partage des responsabilités pour le bonheur de tous
Dans certaines familles que j’ai côtoyées, le partage des responsabilités ne se fait pas de façon équitable, puisque les mamans sont toujours appelées à s’occuper de l’organisation familiale. Cependant, leur mari voit leur contribution augmenter au fur et à mesure qu’ils apprennent à s’investir. Aubin, qui autrefois attribuait certains devoirs familiaux aux femmes, se retrouve maintenant à les embrasser.
Heureusement pour lui, sa maman lui avait appris à faire à manger, repasser ses vêtements, etc. Il raconte: «Ce qui m’aide beaucoup c’est que j’ai appris à faire certaines tâches ménagères dans mon jeune âge, par exemple les fins de semaine c’est moi qui prépare la nourriture.» Si pour lui ces obligations étaient autrefois réservées aux femmes, aujourd’hui il dit les faire sans aucun complexe, car cela n’enlève rien à sa masculinité.
Au Bénin cela aurait été quasiment impossible qu’il participe aux corvées de la maison, parce qu’il serait la risée de ses pairs qui, eux, ne faisaient pas cela. Il nous raconte une petite anecdote: «Là-bas si vous aidez votre femme, les autres hommes vont dire qu’elle vous a eu. Elle a fait des trucs occultes pour vous aveugler.» À cause de ces préjugés, il préférait ne pas s’investir.
Faire fi des jugements
Ce n’est pas évident de s’impliquer quand on pense pouvoir subir le jugement de l’autre qui croit que c’est anormal de faire pareille chose. Gérald nous raconte avoir dit à un ami haïtien qui vit au Québec qu’il partageait les tâches avec sa femme; l’ami en question trouvait que c’était bizarre qu’un homme puisse s’adonner à ce genre d’activités. Pour lui, cette fonction est réservée aux femmes.
Mis à part le fait de participer au ménage, ces papas sont aussi fiers de pouvoir accompagner leurs enfants dans les loisirs. Ils trouvent que c’est une belle occasion de passer des moments de qualité avec eux et de créer des liens durables.
Un mari impliqué pour une vie de couple équilibrée
C’est avec enthousiasme que j’ai accueilli le témoignage de ces trois hommes qui me font penser à mon mari. Plus haut, j’ai parlé de ma perception quand j’étais encore une petite fille. Bien sûr qu’aujourd’hui je ne me retrouve pas dans un foyer qui ressemble à celui de mes parents. Il est vrai que mon époux n’était pas du genre à s’occuper des activités ménagères chez ses parents, mais sa perception était très différente de certains garçons que je côtoyais.
Pour lui, participer aux travaux de la maison est évident, car il le fait de façon naturelle. Chez nous, généralement c’est lui qui s’occupe de l’épicerie, du lavage et du pliage des vêtements. Il prépare également certains plats haïtiens comme le riz collé, le riz blanc accompagné de purée de pois, les pâtes, les bananes pesées, le poulet pané, etc. Évidemment, il y a des choses qu’il n’aime pas faire comme passer le balai ou la serpillère, mais ça ne me dérange pas. On essaie de trouver un équilibre familial en partageant les tâches avec lesquelles on se sent le plus à l’aise.
Aussi, je me souviens quand j’étais enceinte de notre fille, Maya, mon mari avait décidé de prendre le maximum de jours de congé de paternité malgré le fait que son revenu allait diminuer. On a dû éliminer certaines dépenses non essentielles pour garder une stabilité financière parce que pour lui, prendre soin de sa femme qui venait d’accoucher était très important. En effet, durant la première année de vie de Maya, notre fille a pu bénéficier de la présence de son papa. Honnêtement, cette décision de prendre un congé parental à deux a été des plus avantageuses.
Un modèle à privilégier
Comme je me sens tellement heureuse de ne pas me soucier de la besogne de la maisonnée de A à Z. Avoir un mari qui s’implique est définitivement la meilleure chose pour une épouse. Je crois que toutes les mamans aimeraient vivre dans un foyer où il y a un équilibre. Les 3 papas que j’ai rencontrés trouvent indispensable leur apport dans la vie familiale. Ils se disent heureux de faire partie d’une société où la participation des pères au sein du foyer est valorisée.