Les émotions de nos enfants: une psychologue nous éclaire

11 à 6 ans
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Comme parents, nous pouvons parfois nous sentir mal outillés quand vient le temps d’accompagner notre enfant dans la bonne gestion de ses émotions. Que dire lorsqu’il ou elle a de la peine, a peur ou se sent triste ou en colère? Comment intervenir pour l’aider à identifier ce qu’il ou elle ressent? La psychologue Nathalie Parent nous offre un coffre à outils bien garni qui saura faire une différence dans la vie de tous les membres de la famille.

Qu’est-ce qu’une émotion?

Une émotion c’est comme la température interne d’une personne. C’est ce qui va guider nos actions. L’émotion va susciter un comportement. Il y a une distinction entre l’émotion et le sentiment. Le sentiment est comme un peu plus réfléchi. L’émotion est plus spontanée.

C’est pour ça que l’on parle souvent de 4 émotions principales:

  • Colère
  • Tristesse
  • Peur
  • Joie

Y a-t-il de mauvaises et de bonnes émotions?

En fait, j’aime bien parler en termes d’émotions agréables et d’émotions désagréables. Ce qui est agréable c’est la joie. Quand elle est là, on est content, on est heureux. Les émotions désagréables que je vois beaucoup sont la colère et la peur. Ce sont des émotions qu’on cherche à fuir souvent. La tristesse aussi, on peut chercher à la tasser quand on est avec nos enfants. Un enfant qui pleure, on va dire: «Non, non ce n’est pas grave. Arrête de pleurer.»

La colère, par contre, peut être difficile à supporter et le parent a le rôle de contenir l’émotion sans pour autant accepter tous les comportements. Il y a l’émotion, mais il y a aussi le comportement. Le comportement peut ne pas être acceptable, mais l’émotion, elle, peut l’être. Elle est spontanée et on ne peut pas la tasser. À force de valider l’émotion de l’enfant, on va l’aider à y mettre des mots plutôt qu’à l’agir. Quand je suis fâché, je ne vais pas frapper. Je vais apprendre avec le temps, si mon parent m’aide, à la nommer, au lieu de frapper.

Qu’arrive-t-il lorsque nous ne validons pas les émotions de notre enfant?

Ça agit à plusieurs niveaux, mais entre autres sur l’estime de soi. L’enfant va apprendre tôt à se couper lui-même de ses émotions. Ce qui peut avoir comme conséquence que ça sorte en explosion ou même en problème de santé mentale.

Les émotions qui ont été réprimées peuvent parfois se transformer en anxiété ou en dépression.

L’anxiété c’est comme permis dans notre société on en entend beaucoup parler, contrairement à la colère que nous aimons généralement moins comme émotion.

Quand on retient trop l’émotion, ça demande énormément d’énergie au corps et l’enfant peut se sentir fatigué, épuisé ou déprimé. Sinon, à plus courte échelle, on peut avoir des enfants qui vont avoir des troubles de comportement. Il se peut qu’ils se sentent blessés et que ça se traduise en opposition ou en hyperactivité, par exemple. On sait que quelquefois dans l’hyperactivité il peut y avoir de la colère mal gérée ou de l’agressivité qui n’est pas canalisée.

Nous entendons souvent parler d’intelligence émotionnelle. Qu’est-ce que c’est exactement et est-ce que ça s’apprend?

Oui, ça s’apprend. Il y a des enfants qui viennent au monde avec une sensibilité plus grande que d’autres. On pourrait dire que les neurones miroirs de leur cerveau fonctionnent très bien dès le plus jeune âge, ils sont sensibles. J’ai le goût de dire que beaucoup d’enfants sont très sensibles aux émotions puis c’est en grandissant, dépendamment de l’environnement, que les émotions vont être coupées. Ils vont peut-être exprimer juste une émotion comme de la colère. On sait que derrière la colère il peut y avoir le sentiment d’abandon, d’avoir été rejeté. Les enfants sont souvent très sensibles en bas âge, mais ils ont juste besoin qu’on les aide à mettre des mots sur ce qu’ils ressentent.

Ce qui est important à savoir pour le parent c’est que s’il apprend à gérer lui-même ses émotions, il y aura un impact positif sur toute sa famille.

— Nathalie Parent

COLÈRE

Comment savoir si la mauvaise humeur de mon enfant ne cache pas de la colère?

On peut lui demander: «Tu n’as pas l’air de bonne humeur, qu’est-ce qui se passe?» Ça se peut qu’il ne nous dise rien, mais nous, on va essayer de réfléchir sur ce qui s’est passé avant et sur ce qu’il vit présentement.

Y a-t-il quelque chose que j’ai fait ou est-ce qu’il y a quelque chose dans son environnement qui mène à cet état? Est-ce qu’il est en examen? Il faut réfléchir parce qu’il y a des enfants qui n’arrivent pas à nommer ou à dire les choses. On va y aller sous forme d’hypothèses pour essayer d’aller vérifier puis on va lui donner le droit de dire oui ou non à ces hypothèses.

Quelquefois comme adulte on peut se tromper. C’est avec le jeune qu’on va essayer d’aller valider, d’aller comprendre ce qui est derrière l’émotion. Est-ce que c’est de la tristesse qui est derrière sa mauvaise humeur? Ça se peut qu’il soit triste ou juste qu’il se sente tout seul. C’est pour cette raison qu’il faut échanger avec lui.

La colère, on va souvent la voir dans son visage. Physiologiquement, il y a une rougeur, il y a une tension et il peut aussi y avoir une brusquerie dans les gestes. Ça, on le sent. La colère s’exprime souvent de cette façon-là, sinon il y a des crises de colère, le ton qui est plus élevé.

La colère est-elle dangereuse? Si mon enfant pique une colère noire. Comment faire pour la désamorcer?

De façon générale, ce n’est pas dangereux. Ceci dit, on n’a pas à supporter la colère. On peut la nommer. Tu es fâché, je comprends. Ça peut même être décevant ou frustrant. On valide son émotion, mais on ne change pas d’idées pour autant s’il pique une colère parce qu’il n’a pas ce qu’il veut. Ça peut-être: Laisse-moi y réfléchir, mais présentement j’ai besoin que tu ailles te calmer ailleurs qu’ici. On n’a pas à entendre tes cris. On n’a pas à supporter que tu frappes. Si le geste est plus intense et qu’il brise quelque chose, ça va être important de le faire réparer le geste.

À 8-9 ans, l’enfant peut piquer une colère, mais on n’a pas à être spectateur de ça. Donc, l’émotion en tant que telle n’est pas dangereuse et l’expression de la colère n’a pas à l’être non plus. Si le parent a peur de son enfant, il doit consulter. Il faut vraiment qu’il aille chercher de l’aide. Ça peut être une problématique chez le parent ou chez l’enfant. Il faut vraiment s’en assurer parce qu’il y a quelque chose à faire là-dessus.

TRISTESSE

Comment reconnaître que mon enfant est triste ou a de la peine?

La tristesse, on va la reconnaitre par un affaissement des épaules, un repli un peu sur soi. L’enfant est comme rabattu sur lui-même. Souvent, il a peu de contact avec l’autre ou il ne va pas le regarder. Ça sort souvent en larmes et en pleurs, mais il y a des enfants qui pleurent très peu. Certains peuvent être plus portés à avoir moins le goût de faire des choses, ils traînent la patte. La tristesse, on peut aussi la reconnaître comme ça.

Comment aider mon enfant à vivre sa peine de façon constructive?

En la validant, en étant à l’écoute puis en essayant de comprendre ce qu’il exprime dans sa tristesse, mais il ne faut pas rester des heures dans cette émotion. Si par exemple, l’enfant se met à pleurer ou à être triste avant d’aller se coucher chaque soir, ça ne marche pas. C’est peut-être qu’il retire des bénéfices du fait qu’il a de l’attention uniquement quand il pleure. Ça, c’est important de s’en rendre compte pour qu’on canalise la tristesse. On peut lui dire: Si tu veux, on va se donner un moment après le souper ou durant la journée et on va parler de ce qui te rend triste.

Si mon enfant rentre de l’école en pleurant, comment devrais-je réagir?

Dans un premier temps on l’écoute. On le sait, quand on est entendu dans notre émotion et qu’on met des mots sur ce qu’on ressent, tout le système nerveux s’apaise. On peut lui poser des questions: Tu es triste. Je vois que tu as de la peine. Qu’est-ce qui s’est passé? Qu’est-ce qui te rend triste? Qu’est-ce qui est arrivé aujourd’hui? 

On va être à l’écoute. Il s’est senti rejeté et ça le rend triste? On va le nommer. Ok tu t’es senti rejeté par tes amis. 

Comme parent, il ne faut pas embarquer dans: Ah oui! tu es triste, ça n’a pas de bon sens. Tes amis t’ont rejeté, ton enseignant… c’est épouvantable! On reste quand même neutre. On va l’entendre, on va le valider puis on va essayer de voir avec lui s’il y a moyen de faire autrement.

Le parent est le contenant dans lequel l’enfant va déverser sa tristesse.

— Nathalie Parent

Est-ce une bonne chose que d’essayer de trouver des solutions ou faut-il seulement écouter?

Idéalement à partir de 8 ans, on va essayer de voir ce que sont ses solutions à lui ou à elle parce qu’on a tendance dans notre société à faire pour nos enfants. On a un ou deux enfants par famille, alors on est loin de la famille de dix enfants qui s’organisaient par eux-mêmes. C’est comme deux extrêmes. Ce qui n’est pas nécessairement mieux. Là, aujourd’hui, on est intrusif. D’abord, on se calme et on l’écoute. On voit s’il y a quelque chose qu’il peut faire, puis on regarde différents scénarios avec lui sans lui donner tout cuit dans le bec. On va le faire réfléchir afin qu’il développe le sentiment d’être compétent, d’être capable.

PEUR

Comment reconnaître la peur chez mon enfant? Quels sont les signes à surveiller?

Il y a plusieurs réactions possibles face à la peur. Soit que l’enfant va fuir ce qui lui fait peur, comme s’il rencontre un chien. Ça c’est concret, on voit qu’il se tasse, il se recule.

Il peut aussi réagir par l’attaque qui peut se manifester par de l’opposition.

On voit ça souvent dans les troubles du comportement. L’enfant va mettre une façade comme pour se montrer fort, alors qu’il a peur.

Il y a aussi l’opposition passive. Un jeune à qui on demande tout le temps d’aller faire ses devoirs et qui ne les fait pas. Ça se peut qu’il ait peur de l’échec. Il peut être dans la peur, dans la fuite. Ça peut être ça.

Une fois que nous avons identifié que notre enfant a peur de faire son devoir de mathématiques parce qu’il a peur de l’échec, par exemple. Comment peut-on l’aider?

Quand ça se répète, on va le nommer: Je constate souvent qu’on se bat ensemble en parole pour que tu ailles faire tes devoirs. Quand on arrive aux maths, tu ne veux jamais. C’est là que tu te mets à bouger. On va observer pour identifier ce qu’il vit puis on va lui dire afin qu’il en prenne conscience.

On va émettre des hypothèses. Se peut-il que tu aies peur d’être confronté à tes maths parce que tu as peur de ne pas être capable? On ne va jamais l’enfermer dans: Tu as peur de faire tes maths. On émet des hypothèses et s’il dit non, c’est non. Ça se peut que ce ne soit pas ça. On va essayer de comprendre, mais moi j’ai l’impression que tu as peur. On va donner notre impression pour l’aider à se connaître un peu.

Comment le rassure-t-on s’il dit qu’il a peur de l’échec et de ne pas être capable?

On peut lui dire: C’est vrai que ça se peut que tu ne te sentes pas bon. Ça se peut que ce soit ton sentiment. Est-ce que ça veut dire que pour autant que tu n’es pas capable? Non. On peut peut-être regarder ensemble comment tu peux t’améliorer. Qu’est-ce qui peut t’aider ? Donc on va essayer de comprendre la situation dans l’ensemble puis voir ce qui pourrait être fait. Comment on pourrait l’aider à avoir moins peur. Là aussi, je pense qu’il faut partir du jeune. Voir comment il peut se rassurer. Qu’est-ce qui peut l’aider?

Dans la peur on sait que les exercices de détente, de méditation ou même l’activité physique peuvent aider au sentiment de compétence. Quand on est dans la peur, c’est le système nerveux sympathique qui s’active, mais on veut aller chercher le système nerveux parasympathique avec, entre autres, des exercices de détente.

JOIE

Qu’en est-il de la joie? C’est une émotion positive et agréable, mais comporte-t-elle un piège?

Oui, il me vient deux choses. La joie peut être une émotion très intense. Il y a des parents qui ne sont pas confortables avec l’intensité de la joie. Ça peut venir déranger. Le parent va parfois dire, mais non c’est assez et venir couper le moment de joie.

La joie peut aussi se manifester par une grande excitation. Il arrive parfois que deux enfants dans la famille vont se mettre à être très joyeux, mais comme trop joyeux, trop excités et ça peut dégénérer en conflit. Il faut doser l’intensité. Comme parent on est à l’affût. Il me semble qu’à ce niveau-là ça se met à dégénérer, peut-être que c’est le temps de changer de jeu.

Comment un parent peut-il utiliser cet outil à la maison?

Visuel d'une échelle des émotions

Cet outil peut aider à mettre des mots sur le thermomètre émotionnel. Admettons qu’on émet des hypothèses avec le jeune sur son émotion. On peut lui dire: Veux-tu regarder ces émotions et me dire où tu te situes en ce moment sur l’image?

Quand ils sont capables de lire, ça va. Les plus jeunes peuvent cependant avoir un peu plus de difficulté et ne pas trop savoir ce que ça veut dire que d’être angoissé. Ils peuvent cependant voir les différentes couleurs et nous dire quelle est la couleur qui correspond à ce qu’ils ressentent. Admettons qu’on est dans la colère, on peut demander à l’enfant de prendre 3 bonnes respirations puis après on peut retourner voir si la colère est très rouge ou si elle est descendue un petit peu en bas du rouge.

À retenir

  • Les émotions de nos enfants agissent comme un thermomètre intérieur.
  • Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises émotions, mais plutôt des émotions agréables ou désagréables.
  • La colère n’est pas dangereuse. Nous devons cependant la nommer afin de valider ce que notre enfant ressent. Tu es fâché, je comprends.
  • Quand notre enfant ressent de la tristesse, nous n’essayons pas de trouver les solutions à sa place. Nous l'aidons à réfléchir sur les actions qu’il peut poser pour aller mieux afin qu’il développe le sentiment de compétence.
  • La peur de faire ses devoirs peut se manifester par de l’opposition passive (refus de faire ses devoirs). Il faut alors poser les bonnes questions pour aider notre enfant à passer à l'action. C’est vrai que ça se peut que tu ne te sentes pas bon, mais est-ce que ça veut dire que pour autant que tu n’es pas capable? Non.
  • La joie peut aussi se manifester par une grande excitation. C’est alors au parent de mettre des limites si elle devient trop intense.

Ressources pour les parents:

Par Nathalie Parent, psychologue

La colère de Fabien

Livre

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La peur de Mathis

Livre

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La tristesse de Mahée

Livre

Découvrir

Jouons et régulons les émotions

Découvrir

— Dernière mise à jour: 5 avril 2022

Biographie

Rédactrice en chef

Journaliste à la recherche depuis plus de 15 ans, Danielle Dutrisac a travaillé pour plusieurs grands médias du Québec (Québecor publications, Radio-Canada, TVA, V Télé, 98,5 ). Curieuse de nature, son parcours l’a menée à explorer plusieurs avenues qui ont nourri son sens de l’aventure et son appétit pour ce qui la passionne: l’humain. Poser des questions, écouter, comprendre et transmettre le message, voilà ce qui nourrit le quotidien de celle qui a fait des études en adaptation scolaire à l’université. Bienveillante et attentionnée, la journaliste n’a qu’un seul objectif: aider les autres à mieux vivre. Crédit photo: Marili Clark

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